À quoi servent les agences de notation ?

La France a conservé sa note de crédit. Les États-Unis ont été dégradés. Sur quoi se fondent les agences de notation et finalement à qui sont-elles utiles ?

Les obligations souveraines sont comme les andouillettes. Le triple A, c’est la meilleure qualité (l’équivalent du quintuple A de l’andouillette). En dessous, la qualité baisse. En principe, la note évalue la capacité des États à rembourser leurs dettes. En pratique, les gouvernements qui empruntent dans leur propre monnaie et contrôlent leur devise rembourseront toujours : il leur suffit de créer autant de monnaie qu’il le faut. La France a perdu son triple A en 2012 sans grande conséquence ni sur la lamentable trajectoire de ses finances publiques ni sur le prix à payer sur sa dette.

Le 29 avril dernier, l’agence de notation Fitch dégradai encore la note de la France, la passant de AA à AA-. Justifications données : le déficit trop important, la dette trop élevée mais aussi les tensions sociales. On se souvient de l’opposition à la pseudo-réforme des retraites (le principe de répartition contribue à creuser la dette sociale). L’agence Fitch sanctionnait l’incapacité du gouvernement Macron à réformer. Le président n’a pas été élu pour faire quelque chose mais contre Marine Le Pen, et il n’a donc aucune marge de manœuvre.

Deux poids, deux mesures

Un mois plus tard, l’agence de notation S&P Global Ratings a maintenu le 2 juin la note de la France à AA avec des « perspectives négatives ». Cette fois, les analystes ont justifié leur décision par la fin des aides énergétiques qui venaient soulager le budget.

En Europe, seuls l’Allemagne et les Pays-Bas obtiennent encore la note maximale. La France est le pays le moins bien placé en dette et déficits prévus des pays AA.

Évidemment, la concurrence est bonne en tout et les trois grands acteurs (Fitch, Moody’s, S&P) ont le droit d’avoir des avis différents. Mais ils moulinent les mêmes chiffres et leurs conclusions sont plus subjectives et politiques qu’objectives.

Ces conclusions sont supposées orienter les investissements des institutionnels (fonds de pension, assureurs, fonds d’investissement) et les aider à doser leurs risques. Le risque du déclassement est que ces investisseurs décident de vendre leurs titres, ce qui fait monter les rendements (taux d’intérêt).

Pour le moment, les taux d’intérêt à 10 ans de la France remontent (comme tous les autres) mais restent encore sous leur moyenne historique.

À 3,23%, le déficit ne coûte pas encore trop cher et la politique de distribution de gadgets persiste. Après le coup de pouce réparation vélo, le bonus réparation textile : « L’aide sera mise en place dès que 500 couturiers et cordonniers seront labellisés auprès de Refashion, éco-organisme partenaire de l’État. ». Sans parler de l’allocation rentrée scolaire ou ARS.

Jusqu’ici tout va donc pour le mieux dans notre douce et belle France et, rassurez-vous, les services de Bercy prévoient que le déficit diminue sans rien faire, par la magie de la croissance…

On ne peut pas en dire autant des États-Unis. L’agence Fitch, décidément de mauvaise humeur, a retiré son triple A à la signature américaine estimant l’évolution des finances publiques sur une mauvaise trajectoire, les perspectives de croissance à long-terme poussives et que les « impasses politiques répétées sur le plafond de la dette et les résolutions de dernière minute ont érodé la confiance dans la gestion budgétaire ». Voici donc les Etats-Unis en AA+, mieux que la France, mais pas beaucoup mieux.

Là encore, on ne peut pas dire que l’annonce ait ému les foules et les taux n’ont pas violemment remonté.

Certes, les États-Unis se financent leurs « Bidenomics » à 4,25%, donc plus cher que la France, mais ce ne sont que les niveaux de 2007.

Le comique des « nomics »

C’est la mode depuis Shinzo Abe au Japon, n’importe quelle politique monétaire et économique à base de gloubli-gloubla interventionniste et keynésien est qualifiée de « nomics » 

Abenomics

Trumpnomics

Macronomics

Bidenomics

Trussonomics 

Intéressons-nous au dernier cas : l’éphémère Première ministre britannique, Lizz Truss, vite qualifiée par les journalistes ignorants de nouvelle Dame de fer. Nous sommes en septembre 2022.

Lizz Truss avait programmé comme relance un plafonnement des prix de l’énergie, d’importantes réductions d’impôt (populaires auprès de son électorat) sans aucune réduction des dépenses publiques (mesure impopulaire auprès des électeurs de tous bords).

Aucun hurlement des sirènes d’alarme des agences de notation. Mais M. Le Marché fait les comptes et n’apprécie pas.

La livre sterling plonge par rapport au dollar et le rendement des Gilts (l’emprunt britannique à 10 ans) s’envole. Ce qui veut dire que ceux qui détiennent ces titres ont des moins-values puisque les prix des emprunts existants baissent.

Ce graphique montre que le rendement des Gilts a doublé fin 2022 avec les Trussonomics.

 

Les fonds de pension britannique gavés de Gilts sont mis en difficulté. Ils s’étaient cependant couverts mais avec des instruments très sophistiqués pour lesquels les appels de marge sont vite devenus insupportables.

Pour éviter la faillite des fonds de pension, la Banque d’Angleterre est intervenue.

Les agences de notation n’avaient pas vu venir le coup… 

Les « instances de régulation » n’avaient pas vu les vulnérabilités des fonds de pension.

Que retenir de tout ceci ?

Que « le marché », c’est-à-dire les cerveaux mis en parallèle de millions d’intervenants, détectent plus vite les anomalies que les centaines (ou même les milliers) de technocrates des agences de notation ou des instances de régulation. C’est le marché qui siffle les arrêts de jeu, pas les agences de notation, pas les régulateurs, et, évidemment, pas les gouvernements.

Que les baisses d’impôts, sauf si elles sont accompagnées de baisses encore supérieures des dépenses publiques, ne sont que des miroirs aux alouettes (ce qui renvoie au Macronomics).

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